Passer au contenu principal
Château de Castelnaud

Le détail caché

Dans certains cas, l'observation minutieuse d'un objet, lors du récolement, permet de déceler un détail jusqu'alors invisible. Parfois, ce détail en apparence insignifiant peut faire tout l'intérêt de l'objet ou profondément modifier son interprétation.

BLA-2019-018 Web ©J-M Laugery.jpg DSC_3829.JPG tracé.jpg

Épée (BLA-2019-018)

Face aux lames en parfait état de conservation conservées dans nos collections, cette petite épée fait pâle figure au premier abord, avec sa garde absente et sa pointe brisée. Elle présente cependant une lame de qualité, forgée avec soin, et d'une forme peu commune. Mais c'est surtout la présence d'une discrète gravure sur la lame qui fait toute sa particularité. Les lettres II O II sont gravées sur son arête, à proximité du point d'équilibre. Cette inscription peut être interprétée comme la contraction de « In Nomine Iesus OmnIpoteNtIs » : « Au nom de Jésus tout puissant » (selon Peter Johnsson à partir d'une épée portant la mention INI O INI), ou bien de « In nomIne dOmInI » : « Au nom du Seigneur ». Il s'agit dans tout les cas d'une invocation religieuse, destinée à protéger le porteur de l'épée.

DIV-2019-014 Web ©G Lachaud.jpg DSC_4370.jpg

Cimier (DIV-2019-014)

En raison de sa rareté, ce cimier représentant une tête de cygne fait partie des trésors de nos collections. Une pièce d'autant plus exceptionnelle qu'elle présentait à l'origine une riche décoration, aujourd'hui en grande partie disparue. En effet, les parties colorées en rouge à la base du cimier et sur le bec du cygne sont en réalité une couche d'enduit à base d'argile, destinée à la pose de feuilles d'or sur l'objet. Des traces de cette dorure sont encore visibles par endroits, et lors de sa création, ce cimier était sans doute une pièce de luxe particulièrement éblouissante.

DSC_3794.JPG thorn.jpg

Dague à rognons (BLA-2019-016)

Cette petite dague à rognons présente un détail discret sous la forme d'une marque au laiton sur la lame. Étonnamment, cette marque reprend exactement la forme de la rune thorn, utilisée en vieil anglais. Bien que leur signification n'était probablement plus connue à l'époque de la création de cette dague, il est intéressant de constater que nombre d'artisans anglais de la fin du Moyen Âge continuent à employer des symboles inspirés des anciennes runes comme marques d'atelier. Il est donc probable que cette dague ait été créée en Angleterre durant le XV ͤ siècle. Coïncidence amusante, la rune thorn peut avoir le sens d' « épine » en vieil-anglais, un choix plus qu'approprié pour cette dague destinée à l'estoc !

DSC_3785.JPG DSC_3786.JPG

Dague à rognons (BLA-2019-015)

Contrairement à la grande majorité des dagues médiévales, dotées d'une lame relativement régulière, cette dague à rognons présente une construction nettement plus complexe. Les deux derniers tiers de lame prennent la forme d'une pointe effilée, de section losangique ; tandis que le premier tiers, bien plus large, est de section triangulaire et présente un tranchant unique. Il s'agit d'une forme de lame particulièrement difficile à forger, et nous ne connaissons qu'un autre exemple de ce type, conservé dans les collections du Royal Armouries Museum (voir https://collections.royalarmouries.org/object/rac-object-51044.html). Ce type de lame semble conçu pour l'estoc, au vu de sa pointe. La base large assure également une grande rigidité, tout en permettant d'équilibrer l'arme, de renforcer la solidité de la base, et de présenter un tranchant court si nécessaire.

anelace.jpg décor anelace.jpg

Anelace (BLA-2019-003)

Grande dague ou épée très courte ? En réalité, cette arme pourrait correspondre à la catégorie méconnue des anelaces. En plus d'une lame forgée avec soin, celle-ci montre également les vestiges d'un riche décor gravé et doré. Au cours de son existence, un nettoyage particulièrement agressif a malheureusement effacé la majorité de ce décor. Malgré tout on distingue encore des traces d'ornements sur les deux faces de la lame. Deux frises, figurant probablement des toits, sont encore visibles, et l'on devine ce qui pourrait être la représentation d'un ange (une silhouette humaine dotée d'ailes) ; il est donc probable que le décor de cette arme était de nature religieuse. L'existence d'un décor aussi riche, rehaussé par dorure, faisait sans doute de cette anelace une arme de prix.